

Zhang Zhijiang : Le général chrétien qui façonna les arts martiaux chinois modernes
Zhang Zhijiang fut une figure majeure dans le développement et la promotion des arts martiaux chinois au début du 20e siècle. Né en 1882 dans une famille de propriétaires terriens, il reçut une éducation confucéenne traditionnelle avant d’être enrôlé dans l’armée impériale en 1903. Sa carrière militaire le mena à rencontrer Feng Yuxiang, le « seigneur de guerre chrétien », dont il devint un fidèle partisan.
Converti au christianisme en 1918, Zhang développa une philosophie associant foi chrétienne et arts martiaux comme moyens de renforcer la nation chinoise. Après sa retraite militaire en 1928, il se consacra pleinement à la promotion des arts martiaux traditionnels. Il joua un rôle crucial dans la création de l’Institut central de guoshu à Nankin, qui devint l’institution phare du mouvement guoshu visant à standardiser et moderniser les arts martiaux chinois.
Sous sa direction, l’Institut organisa des compétitions nationales et forma de nombreux instructeurs. Zhang chercha également à promouvoir le guoshu à l’international, notamment lors des Jeux olympiques de 1936 à Berlin. Il effectua plusieurs tournées diplomatiques en Asie du Sud-Est et en Occident pour faire connaître la culture physique chinoise.
La guerre sino-japonaise à partir de 1937 porta un coup dur au mouvement guoshu. Après 1949, Zhang resta en Chine continentale et continua à promouvoir les arts martiaux, rebaptisés wushu, jusqu’à sa mort en 1966. Son héritage reste important dans l’histoire des arts martiaux chinois modernes, qu’il contribua à faire évoluer d’une pratique traditionnelle à un sport national reconnu.
Zhang Zhijiang incarna la volonté de modernisation de la Chine républicaine, cherchant à réformer les arts martiaux tout en préservant leur essence culturelle. Son parcours illustre les liens complexes entre arts martiaux, politique et religion dans la Chine du début du 20e siècle.
Depuis la mort de Zhang Zhijiang en 1966, l’héritage du mouvement guoshu qu’il avait initié a connu des évolutions contrastées. En Chine continentale, le wushu sportif s’est largement développé sous l’impulsion du gouvernement, devenant une discipline olympique de démonstration en 2008. Cependant, certains critiquent une perte d’authenticité et d’efficacité martiale au profit du spectacle.
À Taiwan et dans la diaspora chinoise, le terme guoshu est resté en usage pour désigner les arts martiaux traditionnels. De nombreuses écoles revendiquent l’héritage de l’Institut central de guoshu fondé par Zhang.
Plus récemment, on observe un regain d’intérêt pour les aspects historiques et culturels des arts martiaux chinois. Des chercheurs comme Benjamin Judkins ou Peter Lorge ont contribué à mieux faire connaître le rôle de Zhang Zhijiang et du mouvement guoshu dans l’évolution des arts martiaux au 20e siècle.
Par ailleurs, le mélange entre christianisme et arts martiaux promu par Zhang connaît un certain écho dans le développement d’écoles d’arts martiaux chrétiennes, notamment aux États-Unis. Ces écoles cherchent à concilier pratique martiale et valeurs chrétiennes, dans la lignée de la vision de Zhang.
Enfin, la diplomatie culturelle par les arts martiaux, initiée par Zhang dans les années 1930, reste d’actualité. Le gouvernement chinois continue de promouvoir le wushu à l’international comme vitrine de la culture chinoise, tandis que des maîtres chinois enseignent dans le monde entier.
Ainsi, bien que le contexte ait profondément changé depuis l’époque de Zhang Zhijiang, son influence continue de se faire sentir dans le monde des arts martiaux chinois, tant sur le plan sportif que culturel et diplomatique. Son parcours atypique de général chrétien devenu promoteur des arts martiaux traditionnels reste une source d’inspiration et de réflexion sur les liens entre culture, politique et identité nationale dans la Chine moderne.