
L’héritage de Wang Ziping : Le wushu comme outil de diplomatie culturelle en Chine
Wang Ziping, figure emblématique des arts martiaux chinois du 20e siècle, a joué un rôle crucial dans l’évolution et la promotion du wushu à l’échelle nationale et internationale. Né en 1881 et décédé en 1973, ce maître musulman originaire du Hebei a marqué l’histoire des arts martiaux chinois par ses prouesses physiques et son engagement dans la diffusion de ces pratiques.
Au début des années 1960, le gouvernement chinois a utilisé l’image et l’expertise de Wang Ziping pour promouvoir le wushu auprès d’un public occidental. Deux films documentaires produits en 1963 illustrent parfaitement cette stratégie de diplomatie culturelle. Le premier film présente une vue d’ensemble du wushu, mettant en scène des pratiquants de tous âges exécutant diverses techniques. Wang Ziping y apparaît comme un maître anonyme, symbolisant la transmission intergénérationnelle des arts martiaux chinois.
Le second film offre un aperçu plus intime de la vie de Wang Ziping et de sa famille. Présenté comme un médecin traditionnel chinois vivant dans un appartement luxueux à Shanghai, Wang incarne l’image d’une Chine moderne tout en restant ancrée dans ses traditions. Le film met en avant la pratique familiale du wushu, soulignant son importance dans la vie quotidienne des Chinois et son rôle dans le renforcement des liens familiaux.
Ces documentaires s’inscrivent dans une démarche plus large de la Chine visant à utiliser les arts martiaux comme un outil de soft power. En présentant le wushu comme une pratique à la fois traditionnelle et moderne, accessible à tous et bénéfique pour la santé, le gouvernement chinois cherchait à projeter une image positive du pays à l’étranger.
L’approche adoptée dans ces films est particulièrement intéressante car elle contraste avec les attitudes précédentes envers les pratiques familiales et lignagères, souvent considérées avec méfiance par les autorités communistes. En mettant en avant la famille Wang comme un modèle de réussite sociale et de transmission culturelle, ces documentaires marquent un tournant dans la représentation officielle des arts martiaux chinois.
Wang Ziping apparaît ainsi comme un pionnier de la « diplomatie du kung-fu », une stratégie qui sera largement développée par la Chine dans les décennies suivantes pour promouvoir sa culture et son image à l’international. Son rôle de représentant des arts martiaux chinois lors d’une visite d’État au Myanmar en 1960, à l’âge de 79 ans, témoigne de l’importance accordée à sa personne et à son expertise par le gouvernement chinois.
Ces films constituent des documents précieux pour comprendre l’évolution de la perception et de la promotion des arts martiaux chinois au début de l’ère communiste. Ils révèlent comment le wushu a été utilisé pour véhiculer des messages sur la modernité de la Chine, sa continuité culturelle et ses valeurs familiales, tout en s’adressant à un public occidental.
Depuis la production de ces films en 1963, l’utilisation du wushu comme outil de diplomatie culturelle par la Chine n’a cessé de se développer. Au cours des dernières décennies, le gouvernement chinois a intensifié ses efforts pour promouvoir les arts martiaux chinois à l’échelle mondiale, notamment à travers l’organisation de compétitions internationales et l’établissement d’instituts Confucius proposant des cours de wushu.
L’inclusion du wushu aux Jeux Olympiques de la Jeunesse de Nanjing en 2014 a marqué une étape importante dans la reconnaissance internationale de cette discipline. Bien que le wushu ne soit pas encore une discipline olympique officielle, la Fédération Internationale de Wushu continue de militer pour son inclusion aux Jeux Olympiques.
En 2020, l’UNESCO a inscrit le taijiquan, une forme populaire de wushu, sur la liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l’humanité. Cette reconnaissance internationale souligne l’importance culturelle et historique des arts martiaux chinois.
La pandémie de COVID-19 a temporairement freiné les échanges culturels physiques, mais a également accéléré la diffusion numérique du wushu. De nombreux maîtres et écoles ont adopté les plateformes en ligne pour enseigner et promouvoir leur art, touchant ainsi un public mondial encore plus large.
Aujourd’hui, l’héritage de Wang Ziping continue d’influencer la pratique et la promotion du wushu. Ses descendants, notamment sa petite-fille Grace Wu établie aux États-Unis, perpétuent son enseignement et contribuent à la diffusion internationale des arts martiaux chinois.
Le wushu est désormais reconnu non seulement comme un art martial, mais aussi comme une pratique bénéfique pour la santé et le bien-être. Cette évolution reflète la vision holistique que Wang Ziping avait de son art, alliant compétences martiales et connaissances médicales traditionnelles.
En conclusion, l’histoire de Wang Ziping et l’utilisation du wushu comme outil de diplomatie culturelle illustrent la capacité de la Chine à adapter ses traditions pour répondre aux enjeux contemporains. Le wushu, autrefois symbole de la force militaire, est devenu un vecteur de soft power, contribuant à façonner l’image de la Chine sur la scène internationale.
https://chinesemartialstudies.com/2019/01/13/wang-ziping-and-the-early-days-of-wushu-two-important-films/